Jean-François Rouchon

La constitution du répertoire du chant

Comment le répertoire du chanteur et celui de la discipline chant se construisent-ils en fonction des époques et des contextes ?

Introduction

Table des matières

À l’instar de la notion de technique instrumentale ou vocale, le répertoire se distingue comme l’un des éléments les plus importants dans l’organisation de l’enseignement au sein des écoles de musique. À la fois support et finalité de l’apprentissage, il semble offrir à la communauté des professeurs et des élèves un objet de culture commune autour duquel se structurent pratique et pédagogie musicales. Dans son acception disciplinaire, le répertoire se décrit comme le corpus des œuvres liées à un instrument ou une formation en particulier. Pour certaines disciplines – le piano en particulier – ce corpus paraît trop vaste pour pouvoir être exploré de manière exhaustive par un seul musicien, alors qu’il semble parfois trop restreint aux artistes dont l’instrument n’a que peu inspiré les compositeurs pour l’écriture de pièces solistes. Dans tous les cas, ce répertoire recèle en réalité une dimension sélective : on dit ainsi d’une pièce qu’elle « entre au répertoire », c’est-à-dire qu’elle accède, au moins temporairement, à une reconnaissance, une notoriété qui semblent lui assurer une certaine pérennité. Il est alors question du répertoire avec un grand R, autrement dit du « grand répertoire ». En apparence, cette inscription dans les tablettes de l’histoire musicale répond à un processus de « décantation » par lequel les œuvres dignes d’être conservées sont séparées des autres par le seul critère de leur qualité intrinsèque, devenant par là même des « classiques ». En réalité, la notion de réception des œuvres permet de faire émerger d’autres critères – comme l’accès à la programmation en concert ou à l’édition musicale – qui semblent tout aussi déterminants dans la survie de certaines partitions et permet d’expliquer leur oubli ou de justifier leur redécouverte.

Le répertoire du piano ne constitue ainsi pas l’ensemble des pièces composées dans toute l’histoire de la musique pour cet instrument, mais la sélection de celles – déjà pléthoriques[1] – qui paraissent devoir perdurer. Le cas du chant offre un horizon comparable : son répertoire est évidemment trop vaste pour pouvoir être embrassé dans une vie de chanteur. Bien que certains interprètes soient admirés pour le grand nombre d’enregistrements ou de rôles d’opéras[2] qu’ils auront chantés au cours de leur carrière, ils n’auront en fin de compte abordé qu’une petite partie du répertoire du chant.

Une autre acception du mot – centrée cette fois sur l’individu et non la discipline – permet pourtant de mesurer le caractère exceptionnel de leur contribution : comme dans le monde du théâtre, on peut ainsi utiliser le mot « répertoire » pour décrire l’ensemble des œuvres qu’un artiste a jouées et/ou chantées à un moment donné de son parcours théâtral ou musical. Cette définition s’applique d’ailleurs aussi bien au cercle professionnel qu’à la pratique amateur. Le répertoire d’un chanteur en particulier se construit parfois en marge du répertoire de sa discipline ou bien n’en retient qu’un segment très réduit[3].

On pourrait dire que le travail d’un professeur de chant se situe à la rencontre des deux ensembles portés par le mot répertoire : il doit connaître à la fois le répertoire de sa discipline, le « grand » répertoire, et se mettre sans cesse en recherche du répertoire qui sera le plus adapté à tel ou tel chanteur. La connaissance du répertoire du chant ne se décrit donc pas comme une compétence statique et circonscrite, mais comme une démarche dynamique, renouvelée dans le processus pédagogique.

L’objet de ce cours n’est donc pas d’atteindre à une connaissance exhaustive du répertoire du chant (ce serait d’ailleurs un objectif illusoire), mais de définir un certain nombre de repères dans le large panorama du répertoire de la discipline, d’ouvrir des portes vers des œuvres moins connues mais intéressantes sur le plan pédagogique, d’identifier des outils de recherche et de travail. Dans son organisation en leçons, le cours utilise une classification arborescente et des sous-catégories déjà employées dans le milieu pédagogique et établies en fonction des caractéristiques communes des œuvres considérées : répertoire lyrique, d’oratorio, lied, mélodies, musique de chambre vocale, musique contemporaine, ensembles. La deuxième leçon est consacrée aux outils bibliographiques ou numériques qui permettent à chacun d’étendre le champ de la connaissance du répertoire. La première aborde la question de la constitution du répertoire du chant et celle de la construction du répertoire du chanteur.

[1] Le dictionnaire de la musique de piano en deux volumes paru dans la collection Bouquins permet de mesurer à quel point le répertoire de cet instrument est vaste. Voir Guy SACRE, La Musique de piano, Paris, Robert Laffont, 1998.

[2] Dietrich Fischer-Dieskau ou Placido Domingo en constituent des exemples.

[3] Certains interprètes construisent ainsi l’essentiel de leur carrière autour d’un ou deux rôles d’oratorio ou d’opéras : évangéliste dans les Passions de J. S. Bach, Pelléas dans l’opéra de Debussy…

2. Le répertoire de la discipline chant

2.1. Histoire du répertoire vocal

Dire que le répertoire d’une discipline peut avoir une histoire, c’est-à-dire qu’il évolue d’une période à une autre, peut paraître assez banal. Dans une vision linéaire, on peut aisément considérer que chaque époque de l’histoire de la musique voit éclore ses nouveaux grands compositeurs et apporte son lot de chefs-d’œuvre qui viennent enrichir le catalogue toujours plus conséquent d’une discipline. La consultation des archives permet toutefois de mettre en évidence que d’autres mécanismes qu’un simple effet cumulatif sont impliqués dans la constitution des répertoires : les effets de mode, les événements historiques, le contexte social ou encore les travaux musicologiques contribuent notamment à faire et à défaire dans des proportions importantes le panthéon des grandes œuvres de la musique. Ainsi, des pièces abondamment enseignées au Conservatoire à une certaine époque peuvent-elles totalement disparaître de ses classes quelques décennies plus tard et d’autres, qui n’avaient pas eu les faveurs des enseignants depuis longtemps, être pour ainsi dire redécouvertes et remises au goût du jour.

Le répertoire vocal dans les concerts du Conservatoire de Paris entre 1874 et 1900

L’histoire du répertoire du chant pourrait faire l’objet d’une vaste étude. Sans se lancer dans un tel chantier, l’étude des archives du Conservatoire de Paris permet de prendre la mesure de l’évolution du répertoire pédagogique en France au cours du XIXe siècle. Dans un livre publié en 1900 consacré à l’institution, Pierre Constant[1] rassemble le programme des concerts et des représentations des élèves donnés une fois l’an au sein du Conservatoire depuis 1800[2]. Les œuvres vocales exécutées, qui sont portées en annexe I à la fin de ce cours, font apparaître un répertoire parfois inattendu pour un lecteur du XXIe siècle : si les grands compositeurs du XVIIIe siècle, Mozart et Haendel en tête, trouvent une place de choix dans les programmes de concerts, les sélections d’œuvres écrites entre 1760 et 1860 ont parfois de quoi surprendre. Ainsi Luigi Cherubini est-il mis à l’honneur par trois œuvres lyriques aujourd’hui oubliées des maisons d’opéra : Les Abencérages, Les Deux Journées et Anacréon. Un opéra de Gaspare Spontini intitulé Fernand Cortez, qui relate la conquête de l’empire aztèque par Hernan Cortez, figure pas moins de six fois au programme entre 1874 et 1900. Des extraits d’opéras de Fromental Halévy – auteur de La Juive – sont également chantés à différentes reprises (Jaguarita l’indienne, Noé, Guido et Ginevra). Charles Gounod est, lui, représenté par des œuvres vocales aujourd’hui moins appréciées (Polyeucte, Ulysse ou encore Mors et vita) sans qu’il demeure trace d’une programmation d’extraits d’opéras aujourd’hui largement connus comme Faust ou de Roméo et Juliette. Daniel-François Auber, Henri-Montan Berton, Pierre-Alexandre Monsigny viennent compléter la liste des compositeurs d’opéra joués dans les concerts des élèves, alors que les noms de Saint-Saëns, Massenet, Bizet, Delibes ou encore Offenbach – qui nous paraissent aujourd’hui incontournables dans le répertoire lyrique français du XIXe siècle – ne figurent pas au programme. C’est d’ailleurs autant la présence de pièces à présent oubliées que l’absence de grands noms du répertoire qui peut surprendre : constater cette fracture entre les goûts de deux époques revient à admettre que les critères de constitution des programmes ont évolué depuis une centaine d’année. La présence régulière d’airs de Cherubini est-elle à justifier par ses responsabilités à la direction du Conservatoire de Paris entre 1822 et 1842 ? La thématique colonialiste – et sans doute pro-napoléonienne – du Cortez de Spontini n’est-elle plus « politiquement correcte » pour le public d’aujourd’hui ? Le scandale né de la création du Carmen de Bizet en 1875 suffit-il à expliquer l’absence de ce compositeur dans les programmes de concerts du Conservatoire ? Chacune des interrogations nées de la lecture de ces archives trouve une réponse dans le contexte historique, social ou esthétique des époques considérées.

[1] Pierre CONSTANT, Le Conservatoire national de musique et de déclamation : documents historiques et administratifs, Paris, Imprimerie nationale, 1900, consultable sur www.gallica.fr.

[2] Archives consultables dans la série AJ37 aux Archives nationales.

2.2. Géographie du répertoire

Dans un environnement musical mondialisé où internet fournit des outils efficaces pour publier ou suivre une actualité musicale, la diffusion des œuvres qui constituent le répertoire du chant semble ne plus devoir se limiter aux frontières nationales. Si on pouvait parler, il y a encore quelques décennies, de véritables écoles nationales de chant – au sens où l’on n’enseignerait pas les mêmes œuvres musicales en tous points du globe – la mobilité des artistes et des supports musicaux favorise aujourd’hui une homogénéisation progressive des répertoires dans les pays où est pratiquée la musique savante occidentale. Il demeure toutefois des traditions liées aux langues et aux cultures qui offrent aux pédagogues des terrains nouveaux à explorer en matière de répertoire. La musique pour voix et piano constitue l’un des domaines où l’on peut déceler les traces d’une telle « identité nationale ». Très peu enseignée et mal considérée sur le continent, la mélodie anglaise demeure par exemple un élément de tradition et de culture important outre-Manche, où des cours spécifiques lui sont consacrés dans les écoles supérieures. Les pays slaves ou nordiques perpétuent eux aussi des répertoires de mélodies peu chantées hors de leurs frontières, en grande partie du fait de la méconnaissance des langues mises en musique. Alors que Dvořák est un compositeur symphonique très populaire à travers le monde, ses mélodies en tchèque restent difficiles à aborder aussi bien du point de vue du sens que de la prononciation. L’alphabet cyrillique tend, de son côté, à réserver les mélodies russes aux seuls chanteurs capables de le déchiffrer, limitant la diffusion d’œuvres vocales de compositeurs aussi appréciés que Tchaïkovski, Rachmaninov ou Moussorgski. En l’occurrence, la transmission de ces répertoires devenus éléments de culture nationale repose principalement sur un phénomène de patrimonialisation et d’identification des interprètes et du public avec les œuvres et la langue mise en musique.

D’autre part, la diffusion et l’homogénéisation du répertoire au niveau international semble limitée par la préférence donnée à la version originale dans l’exécution des œuvres. On n’imagine pas, aujourd’hui, pouvoir chanter en France un récital de lieder de Schubert dans leur traduction française, comme c’était la norme à Paris au XIXe siècle. Dans un contexte où le retour aux sources devient une norme esthétique, les représentations d’opéras étrangers en version traduite constituent souvent l’exception dans l’Hexagone, alors que cette pratique est plus largement acceptée dans les pays anglo-saxons[1].

Mais la géographie du répertoire se constitue également, dans une moindre mesure, au niveau régional. Il existe ainsi des disparités dans l’enseignement et la programmation des œuvres vocales au sein même du territoire national. L’Est de la France est ainsi une terre d’élection pour le répertoire baroque allemand et le lied, alors que l’opérette marseillaise (on pense notamment aux œuvres de Vincent Scotto) n’est que très peu pratiquée en dehors de la Côte d’Azur.

Dans une certaine mesure, l’étude du répertoire dans les écoles de musique constitue donc l’opportunité pour les chanteurs de s’inscrire dans une tradition régionale ou nationale tout en acquérant les outils linguistiques, stylistiques et culturels à même de leur permettre de s’inscrire dans un monde musical ouvert et mondialisé.

[1] L’existence de maisons d’opéra comme le Deutsche Oper de Berlin ou l’English National Opera de Londres rappelle cette tradition séculaire.

2.3. Réception des œuvres et constitution du répertoire

La courte étude historique ébauchée à partir des programmes de concerts des élèves du Conservatoire de Paris entre 1874 et 1900 soulève un problème essentiel pour comprendre la constitution du répertoire du chant : comment expliquer qu’il puisse évoluer d’une période à l’autre de l’histoire au point de laisser de côté des œuvres considérées en d’autres temps comme incontournables ? La valeur intrinsèque d’une œuvre musicale ne suffit-elle pas à l’identifier durablement comme méritant de figurer au répertoire ?

La théorie de la réception, fondée au cours des années 1970[1] dans le domaine de la littérature, permet d’apporter un éclairage sur ces questions et de déplacer la focale de l’objet – l’œuvre – vers la communauté de ceux qui s’en emparent. D’après cette théorie, l’œuvre ne peut exister indépendamment de la réception qui en est faite par les différents acteurs du monde musical : éditeurs, interprètes, public, presse… Il ne s’agit plus de considérer la valeur d’une pièce uniquement à l’aune de son mérite supposé mais de comprendre l’ampleur de sa diffusion, son succès ou son échec en prenant en compte tous les phénomènes de réception qui structurent le monde musical. Depuis sa composition, l’œuvre musicale ne cesse d’évoluer par la manière dont elle est écoutée, commentée, interprétée, publiée au fil du temps. Un même texte évolue donc en permanence du fait de l’angle sous lequel on le considère, du contexte émotionnel, historique ou social dans lequel il émerge.

La réception du Carmen de Bizet[2]

Les phénomènes de réception trouvent une illustration célèbre dans le domaine musical avec l’histoire de Carmen. Comme l’on sait, cet opéra – qui est aujourd’hui l’un des plus joués au monde – connaît des débuts tumultueux et Georges Bizet, qui meurt trois mois après sa création, n’en voit jamais le succès. En 1875, le propos de la pièce semble en effet bien difficile à accepter pour un public essentiellement bourgeois : Carmen, femme indépendante, dangereuse et qui défie l’ordre moral établi suscite avant tout la répulsion. La critique est d’ailleurs désastreuse ; dans La Patrie, Achille de Lauzières fustige « la fille dans la plus révoltante acception du mot ; une fille folle de son corps, se livrant au premier soldat venu, par caprice, par bravade, au hasard, à l’aveuglette ; […] une bohémienne, une sauvage, moitié égyptane ou gitane, moitié andalouse, […] en un mot , la véritable prostituée de la bourbe et du carrefour[3] », alors que Le Siècle déplore : « L’état pathologique de cette malheureuse, vouée, sans trêve ni merci […] aux ardeurs de la chair, est un cas fort rare heureusement, plus fait pour inspirer la sollicitude des médecins que pour intéresser d’honnêtes spectateurs venus à l’Opéra-Comique en compagnie de leurs femmes et de leurs filles[4]. » Le contexte social de l’époque se révèle ici déterminant dans la réception de l’œuvre et compromet fortement sa diffusion.

Mais, de manière plus surprenante, les oppositions à l’opéra existent toujours, plus près de nous et sous des formes diverses. Ainsi le journal Le Monde[5] évoque-t-il la réception difficile de Carmen lors de sa création en Chine dans les années 1980 :

Le scandale moral de 1875 a toutefois survécu au triomphe de Carmen, en témoigne ses tribulations en Chine. Lorsque l’œuvre, à la demande de l’Opéra central de Pékin, est créée le 1er janvier 1982 dans la salle du Pont du Ciel, l’accueil est triomphal. Et même si le public est en partie composé de diplomates et de journalistes occidentaux, les officiels, notables et étudiants chinois ne sont pas avares d’applaudissements… Mais, dès le 6 janvier, le chef français Jean Périsson cède la baguette à la Chinoise Zheng Xiaoying et la suite des représentations est compromise : l’œuvre, dont la presse n’a pas relayé la production, est soudain jugée « scabreuse et subversive »[6].

Même en Australie, l’œuvre est déprogrammée à l’Opéra de Perth en 2014 « pour ne pas froisser un mécène soucieux de santé publique qu’une intrigue dans une fabrique de tabac pouvait heurter[7] ». Contrairement à ce que le succès planétaire de la pièce pourrait laisser supposer, sa réception est donc toujours liée à des disparités temporelles et géographiques liées au contexte social, politique ou historique. Son inscription au répertoire doit se comprendre dans le processus dynamique de cette réception par les acteurs du monde de la musique.

De manière générale, aucune œuvre musicale ne peut être considérée comme affranchie de ces phénomènes de réception ; la constitution du répertoire du chant répond à des contextes et des goûts qui varient du point de vue historique et géographique. Au-delà de la maîtrise des choix effectués communément en matière d’œuvres vocales, la connaissance du répertoire passe aussi par la prise en compte de ces mécanismes, qui permet d’éclairer les orientations prises par les professeurs et les élèves des écoles de musique tout au long du parcours de formation.

[1] Hans-Robert Jauß, Literaturgeschichte als Provokation der Literaturwissenschaft, Frankfurt am Main 1970, p. 189.

[2] http://mobile.lemonde.fr/m-actu/article/2016/08/09/carmen-objet-de-tous-les-scandales_4980186_4497186.html?xtref=

[3] Achille de Lauzières, « Revue musicale », in La Patrie, 8 mars 1875.

[4] Oscar Comettant, « Revue musicale », in Le Siècle, Paris, 8 mars 1875, p. 2.

[5] Philippe-Jean Catinchi, « Carmen, objet de tous les scandales », in Le Monde, 9 août 2016, consultable en ligne : www.lemonde.fr/m-actu/article/2016/08/09/carmen-objet-de-tous-les-scandales_4980186_4497185.html

[6] Ibid.

[7] Ibid.

2.4. Rôle de l’édition et de la programmation dans la constitution du répertoire

Si la réception par le public et la critique font partie depuis longtemps du quotidien des compositeurs et des interprètes, le rôle des programmateurs et des éditeurs demeure parfois plus difficile à appréhender. Ces acteurs du monde musical comptent pourtant parmi les plus importants dans la diffusion des œuvres depuis leur composition et à chaque étape de leur présentation au public. Il est tout d’abord crucial pour un musicien de pouvoir faire éditer ses œuvres, de préférence par une maison solide et reconnue, de manière à les rendre accessibles au plus grand nombre. Idéalement, la pièce est gravée, imprimée puis diffusée dans le réseau des distributeurs de partitions musicales. Ensuite, elle doit être créée, acceptée par des organisateurs de concerts et rester à l’affiche. La promotion des œuvres musicales constitue donc un élément très important dans la carrière d’un compositeur. Pour les plus chanceux, une commande institutionnelle permet d’assurer la majeure partie de ce travail : un opéra contemporain destiné à être créé dans un théâtre lyrique bénéficie ainsi de tout l’appareil de communication et de diffusion de celui-ci (affiches, programmes, couverture par la presse, éventuelle co-production…). Dans la plupart des cas, les compositeurs doivent batailler pour faire jouer leurs pièces en concert et accéder à une certaine reconnaissance médiatique. L’inscription au répertoire d’une œuvre musicale dépend en partie du processus de réception de celle-ci par les éditeurs et les programmateurs de concerts.

Exemple de redécouverte d’un répertoire vocal : les mélodies de Charles Bordes, compositeur de la Belle Époque

Depuis quelques décennies, la banalisation des outils informatiques et de l’accès à internet a rendu la diffusion des œuvres musicales plus souple ; des voies alternatives de promotion ont été créées, dont les compositeurs des siècles passés ne pouvaient pas se prévaloir. Les travaux musicologiques nous renseignent de manière assez détaillée sur l’importance des phénomènes de réception dans la diffusion des œuvres, et par conséquent sur les mécanismes de leur inscription au répertoire. L’exemple de Charles Bordes est tout à fait emblématique des problèmes de promotion que doivent résoudre les compositeurs à la fin du XIXe siècle. Son œuvre de compositeur, longtemps tombée dans l’oubli, a été récemment réhabilitée, notamment par l’intermédiaire d’un enregistrement de pièces pour piano seul et de l’intégrale de ses mélodies, paru chez Timpani[1].

Né en 1863, Bordes fait partie du cercle rapproché des élèves de César Franck. Sans jamais passer par le Conservatoire, il mène une carrière musicale assez atypique marquée par la fondation, en 1890, des Chanteurs de Saint-Gervais, ensemble vocal avec lequel il se consacre à la redécouverte du répertoire vocal de la Renaissance et de la musique baroque française. Fondateur de la Schola cantorum aux côtés de Vincent d’Indy et d’Alexandre Guilmant, il prône une formation des musiciens plus complète et moins centrée sur la virtuosité instrumentale. Comme nombre de jeunes musiciens de l’époque, il rencontre des difficultés à faire éditer ses compositions et doit faire appel à la générosité de ses proches – en particulier Ernest Chausson[2] – pour faire paraître chez Hamelle, en partie à compte d’auteur, ses premières mélodies. Durablement dans l’impossibilité de publier un corpus de mélodies toujours plus important, il fonde en 1902 une entreprise collaborative appelée Édition mutuelle, grâce à laquelle il offre aux compositeurs proches de la Schola une structure apte à assurer la gravure et la diffusion de leurs compositions. L’Édition mutuelle fonctionne à la fois sur un système de souscriptions et sur la solidarité financière entre les musiciens qui recourent à ses services. De nombreux jeunes compositeurs trouvent ainsi une solution partielle aux problèmes rencontrés dans la promotion de leurs œuvres. Bordes lui-même bénéficie largement des avantages offerts par l’Édition mutuelle : plus de la moitié du corpus de ses mélodies[3] y est ainsi édité, devenant rapidement disponible pour les interprètes. Dans une série d’articles consacrée aux compositeurs de « lieder » français, Georges Servières souligne l’importance de cette publication dans la réception des mélodies de Bordes, qu’il range parmi celles des compositeurs français les plus célèbres :

Depuis longtemps, une place était réservée à Charles Bordes dans cette série de Lieder français, en laquelle j’ai étudié ici successivement les œuvres vocales de Fauré, Duparc, Chausson, Debussy. Malheureusement, au moment où j’entrepris ce travail, quelques-unes à peine des mélodies de Bordes – parmi les plus anciennes – étaient gravées, et lui-même, avec cette belle insouciance pour le succès personnel qui le caractérise, se préoccupait beaucoup plus de propager la connaissance des grandes œuvres polyphoniques du XVIe siècle ou des cantates religieuses de J. S. Bach que de publier ses productions et de forcer la résistance des éditeurs. Tandis que le plus médiocre prix de Rome trouve accueil chez eux dès ses débuts, pour un ou plusieurs cahiers de mélodies, Bordes a été obligé de recourir au système de l’Édition mutuelle, c’est-à-dire, en quelque sorte, de s’éditer à ses frais, alors qu’il est célèbre depuis dix ans et qu’il en a près de quarante[4].

Dans le domaine de la programmation, Bordes s’appuie sur la Société nationale de musique et les nombreux concerts qu’il organise à Paris et en province avec les Chanteurs de Saint-Gervais pour faire entendre ses œuvres. Certaines de ses mélodies rencontrent un vif succès auprès du public, et la presse se fait l’écho de ces réussites. Tout au long de sa vie, la promotion des œuvres de Bordes est intimement liée à ses activités de chef de chœur et de responsable de la Schola cantorum, si bien que, lorsqu’il décède prématurément en 1909, c’est à la fois le compositeur, le musicologue, le pédagogue et l’animateur de la vie musicale française qui est unanimement salué.

Après sa mort, son frère violoncelliste Lucien Bordes prend temporairement le relai de la promotion de son œuvre avant qu’un de ses proches amis, Pierre de Bréville, ne réalise l’édition corrigée des mélodies dans deux recueils parus chez Rouart-Lerolle en 1914[5] puis chez Hamelle en 1921[6]. Cet important travail permet d’assurer temporairement la diffusion des pièces mais, en l’absence de descendants directs du compositeur, l’intérêt pour celles-ci décroît et, après quelques décennies, elles paraissent être quasiment tombées dans l’oubli. Sans nouvelle édition du corpus mélodique depuis les années 1920, c’est peut-être l’existence d’un monument commémoratif inauguré en juin 1923 sur le parvis de l’église de son village natal qui permet un regain d’intérêt pour Charles Bordes. Une association locale se constitue et se donne pour mission d’organiser chaque année un rassemblement musical et scientifique consacré au compositeur. C’est grâce à ses membres que les pièces sont reprogrammées en concert et que les enregistrements parus chez Timpani peuvent voir le jour.

L’oubli puis la redécouverte de l’œuvre musicale de Bordes ne constituent pas un exemple isolé. Des figures plus célèbres de l’histoire de la musique ont connu un sort comparable[7] et l’intérêt du public, des médias et de la société pour une œuvre musicale ne s’inscrit pas dans un processus linéaire. De nombreuses pièces disparaissent ainsi du répertoire avant, parfois, de le réintégrer au gré du hasard ou de la contribution de certains acteurs du monde musical. Le travail mené par la fondation Bru-Zane pour la promotion du répertoire de la musique française du XIXe siècle s’inscrit dans cette problématique : c’est en grande partie grâce au soutien financier et logistique de cette institution que des compositeurs comme Théodore Dubois peuvent être redécouverts, ou que des opéras aussi rares que La Jacquerie d’Édouard Lalo peuvent faire leur retour sur les scènes lyriques[8].

Ces exemples montrent que la constitution du répertoire du chant est intimement liée aux pratiques musicales, institutionnelles, éditoriales à chaque époque, et ce depuis leur création.

[1] Charles BORDES, Mélodies, œuvres pour piano, Sophie Marin-Degor, Jean-Sébastien Bou, François-René Duchâble, Timpani, 2012 et Charles BORDES, Mélodies vol. 2, Sophie-Marin Degor, Géraldine Chauvet, Éric Huchet, Nicolas Cavalier, François René Duchâble, Timpani, 2013.

[2] Jean-François ROUCHON, Les Mélodies de Charles Bordes, histoire et analyse (1883-1909), thèse préparée à l’Université de Lyon-Saint-Étienne, 2016, p. 82.

[3] Ibid., p. 87.

[4] Georges Servières, « Lieder Français », in Le Guide musical, Bruxelles, XLIX, no 17 (26 avril 1903), p. 370.

[5] Charles Bordes, Dix-neuf œuvres vocales, Paris, Rouart-Lerolle et Cie, 1914.

[6] Charles Bordes, Quatorze mélodies, Paris, Hamelle, 1921.

[7] On pourrait multiplier les exemples, Mozart, Franz Schubert, Felix Mendelssohn…

[8] Cet opéra composé en 1895 a été programmé au Festival de Radio-France à Montpellier en juillet 2015.

3. Le répertoire du chanteur

Si, dans les écoles de musique, la notion de répertoire se réfère le plus souvent à un champ disciplinaire, elle peut, dans une autre acception, se rattacher à l’interprète lui-même. Le répertoire d’un chanteur se révèle en pratique assez éloigné de celui de sa discipline : la tessiture et la typologie des voix fait qu’une pièce vocale ne pourra que très rarement convenir à l’ensemble des chanteurs d’une classe. Chacun d’entre eux devra durant son parcours d’apprentissage à la fois identifier les œuvres vocales qui lui sont destinées et faire évoluer progressivement ses compétences pour pouvoir les interpréter. On parle de répertoire du chanteur pour décrire l’ensemble des pièces qu’il peut déjà exécuter, mais aussi, dans un sens plus large, celles qui sont susceptibles de correspondre à terme à ses aptitudes vocales et artistiques.

Guider l’élève dans la découverte et la construction de son répertoire relève des missions quotidiennes d’un professeur de chant. L’enseignant s’appuie pour ce faire sur sa propre expérience et sa culture du répertoire de la discipline. Le plus souvent, il se réfère tacitement à une tradition esthétique qui tend à réserver telle ou telle œuvre pour un certain type de voix. Il semble ainsi évident qu’un même élève ne peut aborder à le fois les airs de Sarastro et de Tamino dans la Flûte enchantée de Mozart. La cohérence du répertoire d’un chanteur le situe à l’intérieur d’une catégorie vocale (contre-ténor, ténor, baryton ou basse pour les hommes) que l’expertise du professeur permet de déterminer d’emblée ou progressivement. Mais la caractérisation du répertoire s’effectue aussi à l’intérieur de chacune de ces catégories vocales : une soprano ne peut pas aborder tous les airs du répertoire qui sont rassemblés dans un recueil d’airs pour soprano. La définition des sous-catégories vocales s’inscrit là encore dans une tradition souvent héritée du monde de l’art lyrique, et les frontières définies entre les sous-catégories, parfois ténues, dépendent en grande partie du contexte historique ou géographique dans lequel on se situe. Le répertoire d’un « baryton lyrique » français ne correspond pas à celui du « lyrischer Bariton » allemand, et la notion même de « Kavalierbariton » n’est souvent employée que dans l’espace germanique. De manière similaire, la cohérence dans la distribution des rôles d’opéras varie également de manière importante en fonction des époques. Il suffit d’écouter les enregistrements des grands chanteurs lyriques du début du XXe siècle pour s’en convaincre.

3.1. Critères de sélection du répertoire d’un chanteur

Les critères objectifs de la définition du répertoire d’un chanteur sont le plus souvent difficiles à expliciter. La référence à des figures importantes du monde lyrique permet dans certains cas de trouver des repères, mais la littérature en langue française manque singulièrement d’outils pour traiter cette question. Dans un article publié en 2002[1], John Nix tente de définir un certain nombre de critères qui peuvent guider l’enseignant dans le choix du répertoire d’un élève et tente de répondre à la question : « Comment le répertoire peut-il être systématiquement choisi pour correspondre au mieux aux besoins de chaque étudiant ?[2] »

Nix répond en définissant quatre catégories principales de critères qui doivent intervenir dans la sélection du répertoire – « les limitations physiques du chanteur, la classification vocale du chanteur, des facteurs émotionnels / expressifs et les compétences musicales[3] » et précise : « En fonction du type d’étudiant – débutant, intermédiaire, avancé – ces critères prennent différents niveaux d’importance. Pour les chanteurs débutants, les limitations physiques et la classification vocale sont prédominantes ; pour les niveaux intermédiaires, avancés et professionnels, les facteurs émotionnels et les compétences musicales deviennent aussi importants[4]. »

Dans la suite de l’article, l’auteur propose une analyse de chacun des critères que l’on peut résumer dans le tableau suivant :

[1] John NIX, « Criteria for selecting repertoire », in Journal of singing, 2002, 58:3, p. 217-221.

[2] « How can repertoire be systematically selected to best fit the needs of each student ? », ibid., p. 217.

[3] Ibid.

[4] Ibid.

Catégorie

Critères

Indices

Limitations physiques

Âge du chanteur

Maturité physique nécessaire pour aborder une pièce donnée

Durée de la formation vocale antérieure

Entraînement des muscles, existence d’éléments techniques installés ou non

Problèmes techniques individuels

Facteurs émotionnels

Maturité émotionnelle

Limites pour aborder une pièce donnée

Tempérament ou personnalité du chanteur

Réactivité, intellectualité, spiritualité, impulsivité

Préférences en matière de styles musicaux ou poétiques

Compétences musicales

Nuances

Difficultés mélodiques, harmoniques ou rythmiques

Langue, prononciation

Classification vocale

Ambitus

Tessiture de l’air

Répartition mélodique par rapport aux zones de passage du chanteur

Nature des voyelles à chanter sur les notes extrêmes

Si l’article de Nix ne vise pas à résoudre tous les problèmes de choix du répertoire pédagogique, il permet de proposer une grille de lecture et d’analyse des compétences d’un chanteur à un instant donné et des exigences portées par une œuvre vocale. Sans doute est-il utile de préciser que Nix se place ici dans l’optique du choix de pièces destinées à un concert ou un examen. Certains diront qu’il peut s’avérer utile, dans certaines circonstances, de proposer à l’élève une pièce jugée un peu trop difficile à maîtriser dans l’immédiat, mais qui constituera pour lui une plus grande source de motivation, un bon terrain d’apprentissage en dehors de tout objectif de représentation publique.

3.2. Outils de définition de la tessiture

Parmi les critères définis par John Nix, la communauté des professeurs de chant considèrera sans doute la classification vocale comme l’un des plus déterminants dans le choix du répertoire. L’adéquation entre les compétences d’un élève et les exigences portées par une œuvre vocale constitue l’un des enjeux principaux de ce choix. Pourtant, les outils précis et efficaces à la disposition des enseignants sont rares et la sélection du répertoire s’effectue fréquemment selon des critères principalement liés à la culture et à la tradition. Il existe ainsi peu de documents sur la tessiture des œuvres vocales solistes, et les commentaires détaillés sur les compétences nécessaires pour chanter telle ou telle pièce sont encore moins répandus.

Dans un article publié en 2008, Ingo Titze[1] tente de proposer une méthode de quantification de la tessiture. De prime abord un peu technique, son travail permet de modéliser la notion de tessiture et vise à obtenir une représentation graphique qui résume les caractéristiques vocales des pièces du répertoire. L’auteur définit deux données principales pour quantifier la tessiture : la dose temporelle (tp), ou durée accumulée d’émission vocale sur une hauteur donnée durant toute la pièce et la dose cyclique, produit de la dose temporelle et de la fréquence fondamentale de la note chantée (Fp).

  • Dose temporelle = tp
  • Dose cyclique = Fp . tp

 

La dose temporelle peut être mesurée en secondes ou en durée de notes, tandis que la dose cyclique est quantifiée en nombre de cycles de vibrations des cordes vocales sur une note donnée.

Si la dose cyclique renvoie à une notion qui peut paraître plus complexe à exploiter, la mesure de la dose temporelle permet de répondre à une question simple : combien de temps un chanteur va-t-il émettre chacune des notes inscrites sur la partition tout au long de la pièce ? La représentation graphique permet d’obtenir une « radiographie » de la pièce, et de mieux comprendre la répartition des hauteurs et des difficultés vocales qu’elle contient. Titze analyse en particulier l’air de Don Ottavio dans l’acte 2 du Don Giovanni de Mozart, dont il tire le diagramme (« tessituragramme ») suivant :

 

[1] Ingo TITZE, « Quantifying tessitura in a song », in Journal of singing, sept. 2008, 65.1, p. 59-60.

Tessituragramme

Figure 1 : Tessituragramme de l’air de Don Ottavio (Il mio tesoro intanto)[1]

[1] Ibid., p. 60.

De haut en bas, la figure représente le nombre d’occurrences pour chaque hauteur de son, la dose temporelle (durée totale) en équivalents de durées de notes puis le nombre de cycles vibratoires, le tout rapporté à une échelle horizontale de fréquence des sons dont les valeurs sont portées un clavier de piano. Juste au-dessus de cette échelle est ajouté le volume sonore mesuré lors de l’enregistrement de l’air interprété par un chanteur.

L’exploitation des résultats permet à l’auteur de faire émerger les caractéristiques de l’air (occurrences, durée cumulée et nombre de cycles vibratoires pour chaque hauteur de son), autant de données précises qui permettront d’orienter le professeur dans ses choix de répertoire pour un élève donné.

 

Les résultats de l’étude suggèrent plusieurs commentaires. Tout d’abord, si l’obtention du tessituragramme constitue une réelle avancée dans la connaissance précise et la compréhension des caractéristiques d’une pièce vocale, il peut sembler insuffisant pour décrire toutes ses difficultés. Par exemple, il ne dit rien de la longueur des phrases musicales, de la nature des intervalles qui les composent, du temps laissé à la respiration du chanteur. Ces informations pourraient être données par une représentation du « profil » de la pièce. La tessiture constitue donc un élément nécessaire mais pas forcément suffisant pour décrire une pièce du répertoire. Ensuite, une telle étude ne peut être véritablement exploitée pour préciser le répertoire d’un chanteur que dans une démarche comparative qui suppose l’existence d’un nombre conséquent de ces « tessituragrammes ». C’est dans la confrontation détaillée des données de différents airs du répertoire qu’il serait possible de mieux en comprendre les caractéristiques. Enfin, une exploitation complète des données pourrait laisser la place à une inversion de la focale : l’analyse du diagramme suggère d’attribuer l’air à un certain profil de chanteur ; réciproquement, l’analyse du répertoire d’un chanteur confirmé pourrait permettre de faire émerger des critères communs aux airs qu’il interprète et donc de définir des méthodes nouvelles d’exploitation des données.

Le travail d’Ingo Titze pourrait donc constituer l’embryon d’un pan de recherche beaucoup plus vaste, dont le but serait d’enrichir la littérature destinée à la connaissance du répertoire.

Conclusion

Le terme répertoire désigne plusieurs notions différentes auxquelles sont confrontés les professeurs et les élèves des écoles de musique. Le « grand répertoire » se différencie du répertoire de la discipline, mais aussi du répertoire pédagogique et de celui du chanteur. Loin de constituer une entité immuable et stable en fonction des époques et des lieux géographiques, le répertoire du chant connaît des variations et des modifications permanentes qui sont liées à des facteurs aussi divers que le contexte historique, esthétique, politique, social, linguistique ou culturel. La réception des œuvres joue ainsi un rôle déterminant dans sa constitution.

La connaissance du répertoire du chant passe à la fois par la maîtrise du répertoire de la discipline et la recherche permanente liée à la construction du répertoire de l’élève. Cette dimension de recherche constitue l’un des éléments centraux de l’activité pédagogique. Les outils de description précise du répertoire du chant restent pour l’instant peu nombreux dans la littérature en langue française ; toutefois, des travaux menés dans différents pays permettent de développer progressivement une meilleure connaissance des œuvres vocales. C’est sans doute au niveau de la communauté des pédagogues et dans une démarche de travail collaboratif que ces éléments de culture professionnelle pourront être partagés et enrichis.

Annexe

Programme vocal des concerts du Conservatoire de Paris entre 1874 (date de leur réintroduction) et 1900

1874 : SPONTINI, Fernand Cortez, air ; MOZART, Ave verum ; SPONTINI, Fernand Cortez, air ; ROSSINI, Messe solennelle, Gloria ; CHERUBINI, Les Abencérages, air.

1875 : GLÜCK, Armide, Air et chœur ; WEBER, Obéron, Finale de l’acte 1 (Air, duo et chœur final) ; MOZART, Les Noces de Figaro, Air ; ROSSINI, Le Siège de Corinthe, solo et chœur.

1876 : GOUNOD, Sappho, Stances, MOZART, La Flûte enchantée, marche et air ; SPONTINI, Fernand Cortez, scène de la révolte ; MÉHUL, Joseph, air ; GLUCK, Armide, chœur et solo ; HAENDEL, Le Messie, Alleluia.

1877 : MOZART, L’Enlèvement au sérail, air ; RAMEAU, Les Fêtes d’Héré, chœur et duo ; MÉHUL, Stratonice, air ; ROSSINI, Messe solennelle, Agnus dei ; ROSSINI, Moïse, finale de l’acte III.

1878 : AUBER, L’Enfant prodigue, air ; CHERUBINI, Les Deux Journées, chœur et solo ; HALÉVY, Jaguarita, finale de l’acte I ; RAMEAU, Hippolyte et Aricie, chœur ; BERLIOZ, Marche des pèlerins, alto solo ; BERTON, Montano et Stéphanie, air ; HALÉVY, Prière de Noé, solo ; AUBER, Fo-Li-Fo, chœur.

1879 : MOZART, Cosi fan tutte, air ; HAYDN, Les Saisons, air et chœur ; MOZART, Les Noces de Figaro, air ; ROSSINI, Le Comte Ory, solo et quatuor.

1880 : HAENDEL, Jules César, air ; ROSSINI, Messe solennelle, Sanctus ; WEBER, Obéron, Barcarolle, air et chœur ; VERDI, Un ballo in maschera, cavatine ; SPONTINI, Fernand Cortez, duo ; HAENDEL, Le Messie, chœur, récit et Alleluia.

1881 : MOZART, La Flûte enchantée, air ; GLUCK, Iphigénie en Tauride, fragment de l’acte II ; AUBER, La Fiancée du roi de Garbe, chœur ; SPONTINI, Fernand Cortez, scène de la révolte ; MOZART, Les Noces de Figaro, air ; ROSSINI, Le Siège de Corinthe, finale de l’acte II.

1883 : GLUCK, Iphigénie en Aulide, Ouverture, scène et air, chœur et scène, chœur, scène et air, récits, chœur, air, chœur, récit et air avec chœur, récit et duo, air, récit, quatuor et chœur, NICOLO, Joconde, Romance ; SPONTINI, Fernand Cortez, duo ; AUBER, Le Concert à la cour, air ; ROSSINI, Guillaume Tell, chœur de l’acte I.

1884 : MENDELSSOHN, Élie en entier

1885 : HAYDN, La Création du monde, 1ère partie ; HALÉVY, Guido et Ginevra, air ; HAYDN, La Création du monde, fragments des 2e et 3e parties.

1887 : WEBER, Euryanthe, air ; ROSSINI, Messe solennelle, Gloria ; MONSIGNY, La Belle Arsène ; HAENDEL, Le Messie, chœur, pastorale et alleluia.

1888 : MOZART, Requiem, extraits ; CHERUBINI, Anacréon, air ; GRÉTRY, Zémire et Azor, air ; MOZART, Les Noces de Figaro, air ; ROSSINI, Le Siège de Corinthe, scène et chœur de l’acte III.

1897 : MENDELSSOHN, Tu es Petrus, chœur ; BACH, Cantate pour la fête de Pâques (n°4), Versus I à VII; M. HAYDN, Tenebræ factæ sunt, chœur ; LOTTI, Crucifixus, chœur ; HAENDEL, Ode à Sainte Cécile, Marche, air, récit et chœur avec solo.

1898 : LULLY, Armide, chœur et solo ; RAMEAU, Dardanus, trio et chœur ; BRAHMS, Requiem, n° 1 et 6 ; SCHUMANN, Les Adieux des montagnards, soli ; GOUNOD, Ulysse, chœur des naïades, chœur des porchers, scène solo et chœur.

1899 : RAMEAU, Quam dilecta, air, chœur, air, trio, air et chœur, air, chœur ; JANEQUIN, La Bataille de Marignan, chœur ; GOUNOD, Polyeucte, acte II, 2nd tableau.

1900 : BACH, Cantate pour tous les temps, fragments ; LOTTI, Crucifixus, chœur ; SCHUMANN, Ferme tes yeux ; GLUCK, Iphigénie en Aulide, fragments de l’acte I ; GOUNOD, Mors et vita, Judex.

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